Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
SOUVENIRS

facile à vérifier, à cause de son manque d’esprit et de son ignorance ; enfin qu’il était horriblement bègue, ce qui n’était pas vrai le moins du monde. Le Roi Louis XIV et son confesseur avaient eu la délicatesse de ne lui rien dire qui demandât réplique ; et comme il avait la plus décente et la meilleure apparence du monde, on ne manqua pas de l’envoyer auprès de son oncle, l’Évêque de Lisieux, qui n’aurait eu garde de le demander pour coadjuteur, parce que c’était un sage et digne prélat, s’il en fut jamais. Aussi fut-il confondu de cette nomination prélative et de cette manœuvre dont il écrivit, pour l’acquit de sa conscience, au Père Le Tellier. Celui-ci répondit à M. de Lisieux qu’on avait surpris la religion du Roi, mais que le scandale aurait beaucoup d’inconvénients, et qu’on aurait l’attention de fournir de bons grands-vicaires à cet étrange Évêque. Le Père Le Tellier a souvent dit à mon père que le roi n’aurait pas voulu sévir contre MM. de Matignon parce qu’ils étaient les plus proches parens qu’il eût en France après la famille royale, et parce que la grand-mère paternelle de cet Abbé était la tante de Henri IV (Marie de Bourbon Duchesse d’Estouteville et Comtesse de Saint Pol). Le père et les grands oncles de l’Abbé de Matignon avaient été conviés comme parens au mariage de Louis XIV, où l’on avait eu soin de leur accorder le pas sur les Créquy, les d’Harcourt, les la Tour d’Auvergne et les Beauvau, qui n’étaient pas aussi proches parens du Roi.

Mon oncle de Tessé disait toujours qu’il y a trois grandes variétés dans les espèces de gens ; c’est à