Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
SOUVENIRS

elle, est-ce que la grand’mère de ma grand’mère n’était pas de votre maison ? Le plus beau de mon visage en est fait, de mon quartier de Créquy ! si vous dites un mot de plus, je vous ferai tirer, quand vous partirez, vingt et un coups de canon, comme pour mon voisin le Roi de Jérusalem, de Chypre et d’Arménie.

Il est bon de vous dire que le Duc de Savoie s’était passionné pour elle, et qu’il arrivait souvent à Monaco sans tambours ni trompettes, à dessein de la surprendre agréablement. Mme de Valentinois, qui aimait beaucoup son jeune mari, et qui, surabondamment, n’aimait pas du tout leur voisin de Jérusalem et d’Arménie, lequel était septuagénaire et bossu comme un sac de noix, Mme de Valentinois n’avait rien trouvé de mieux, pour le dégoûter de ses amoureuses et galantes surprises, que de le faire guetter quand il arrivait à Nice, et de faire tirer toutes ses batteries du fort Monaco aussitôt qu’il avait passé les frontières de la principauté.

Cette noble et puissante héritière des anciens princes de Carignan, de Salerne et de Monaco était la dernière fille de la souveraine maison de Grimaldi. Elle avait pris alliance avec un petit-fils du Maréchal de Goyon-Matignon, à la charge d’adopter pour leur postérité son nom et ses armes de Grimaldi, sans aucune addition d’autres noms et armoiries, ce qui fut trouvé mortifiant et cruellement dénaturé par la noblesse de Bretagne ; car c’est un pays où ce vieux nom celtique de Goyon sonne comme une cloche. Les Monaco d’aujourd’hui sont donc les aînés de la maison de Goyon. Il est singu-