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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

est l’honneur de votre protection pour lui. Il ne fut pas question de celle du Maréchal de Richelieu, que M. de Poitiers eut la discrétion de laisser dans les sous-entendus. Il ne dit rien qui pût faire entendre qu’ils se fussent connus autrefois.

Mme d’Egmont, qui jusque-là n’avait encore péché que par omission, et par pensée, peut-être ? éprouva l’inquiétude d’avoir à se reprocher une action que le monde pourrait blâmer. Elle éprouvait, à l’égard de la Comtesse de Gisors, un sentiment d’inquiétude respectueuse et de contrainte embarrassante[1] : elle avait à ménager la susceptibilité de son père et la méticulosité de son mari (c’est un mot du diable, et c’est pourquoi je l’emprunte à Voltaire) ; elle avait sur toute chose à laisser dormir en paix l’orgueil ombrageux et la vanité féroce du Maréchal de Bellisle, qui était ministre de la guerre, et de qui dépendait particulièrement la situation présente et l’avenir du jeune soldat ; aussi, tout en acceptant pour lui le fidéi-commis du Vidame, eut-elle attention de stipuler précisément :

1o Que le testament ne mentionnerait pas son nom de Comtesse d’Egmont comme étant légataire du testateur, mais celui du Curé de Saint-Jean-en-

  1. Cette jeune femme était la douceur et la vertu mêmes, et la mort de son mari, qu’elle avait à peine connu, l’avait fait entrer dans une telle dévotion qu’elle passait toute sa vie dans les couvens, les oratoires et les hôpitaux. Elle était remplie d’intelligence et d’esprit, ce dont elle ne montrait presque rien dans la conversation, par excès d’humilité chrétienne. C’était une véritable sainte et nous l’appelions Sœur Gisors.
    (Note de l’Auteur.)