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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

la recommandation de M le Duc de Richelieu, lequel avait pris la peine de lui écrire de la Bastille, et tout exprès pour lui certifier que c’était un serviteur dont il répondait comme de lui-même, car voilà de quels termes il s’était servi. C’était un colosse avec les yeux pers et les cheveux d’un roux ardent ; il était, du reste, posé, rangé comme à la baguette, et soigneux à miracle.

On venait de coucher la Marquise de Créquy, dont les femmes étaient déjà sorties, et qui faisait une lecture de piété dans la vie des Saints. Elle entend du bruit à sa porte et voit entrer ce domestique… Elle en écouta, malgré qu’elle en eût, une déclaration tellement insolente et désordonnée, qu’une autre femme en aurait été glacée d’effroi ! il s’était muni d’un poignard, et ceci n’était pas plus rassurant que le reste. Mme de Créquy lui dit gentiment : — Comment avez-vous conçu ces idées de violence, et comment ne vous êtes-vous pas aperçu de ma bonne intention pour vous ? On n’est jamais arrivé dans l’appartement d’une Dame en pareil costume, et que ne dirait-on pas si l’on vous rencontrait ainsi dans les corridors ? Allez donc changer votre linge, et n’oubliez pas de vous renouer les cheveux. N’oubliez pas non plus, ajouta-t-elle avec un air de coquetterie, n’oubliez pas de vous bien savonner les mains !…

L’amour est crédule, ainsi que vous aurez peut-être occasion de l’éprouver ; l’amoureux s’en va précipitamment, et la voilà qui saute en bas de son lit pour aller verrouiller toutes ses portes et se barricader jusqu’au lendemain matin.

Il ne reparut pas à l’hôtel d’Aumont, ce protégé