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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

geante avec la mère de notre Sauveur, reprenait-elle en inclinant sa tête ainsi qu’on fait au sermon quand un prédicateur y prononce le saint nom de Jésus ; et, du reste, ajoutait la Maréchale, il est à considérer que le mari de la Vierge était de la race royale de David. — J’ai toujours pensé, disait-elle à la Duchesse de Lesparre, j’ai toujours pensé que saint Joseph était issu d’une branche cadette que l’infortune ou l’injustice avait fait tomber dans la roture. C’était absolument comme dans ces anciennes parades mysticoquentieuses où l’on voit figurer l’Abbé Jésus qui s’entretient pieusement avec Mademoiselle de Capharnaüm, ou qui fait des lectures édifiantes à Mme la Marquise de Samarie.

La Maréchale de Noailles était toujours en quête de toutes les idées superstitieuses et saugrenues dont elle pouvait faire la découverte, dont elle absorbait la substance et dont elle s’appropriait toutes les folles pratiques. Elle avait découvert ou cru découvrir, par exemple, qu’elle avait une aïeule de cette grande maison des Loups de Gascogne dont on a vu, depuis ce temps-là, tant de gentillâtres avoir la prétention d’être issus, à commencer par les Montesquiou, et la Maréchale était persuadée que par conséquent, la fée Mellusine apparaissait et ne pouvait manquer d’apparaître au pied de son lit toutes les fois qu’il devait mourir un descendant de ladite Mellusine et du Comte Geoffroy à la Grand’dent, qui était son mari. Ce qu’il y a de véritablement curieux, c’est que la Maréchale de Noailles a justement prophétisé la mort de quarante à cinquante personnes, dont elle avait eu avertissement et la