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SOUVENIRS

qui m’a fait l’honneur de me faire cet enfant-là ! Les vieilles gens disaient que la Cour de la Reine Christine de Suède était une merveille de bienséance en comparaison de cette sauvagerie tartare. Vous savez ce que mon oncle de Tessé disait au sujet des Portugais et de leurs voisins les Espagnols, et c’était justement ce qu’on avait à dire des Moscovites en les comparant aux Polonais[1].

À notre retour de Normandie, nous trouvâmes établis chez le Maréchal de Tessé qui avait abandonné son bel hôtel de la rue de Bourgogne à son fils, et qui s’était mis en retraite dans l’enclos des incurables rue de Sèves nous trouvâmes établis le Grand-Prieur d’Aquitaine et le Commandeur de Tessé nos arrière-grands-oncles. L’aîné de ces deux frères avait voulu venir à Paris pour y consulter le Docteur la Peyronnie sur une incommodité qui commençait à l’impatienter, et qui consistait principalement dans une sensible diminution d’agilité pour ses membres, et d’activité pour son estomac. Le plus jeune n’était âgé que de 84 ans.

Je vous ai déjà dit que le Grand-Prieur avait perdu l’intelligence du présent avec la prévision du futur, en conservant le souvenir du passé. Il eut de la peine à se représenter la place que je devais occuper sur le tableau généalogique de sa famille ; mais il avait conservé quelque souvenir d’une fille aînée de mon pè-

  1. En vertu d’un réglement rédigé par le Czar Pierre Ier article 29, et publié par lui le 4 août 1719, il est expressément interdit et défendu à toutes les Boyardes ou princesses et autres Dames russes, de se présenter au Palais, pour y faire leur cour à l’impératrice, lorsqu’elles seront ivres.
    (Notes de l’Édit.)