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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

qu’il en eût recueilli des trésors au Mexique avec la titulature des Ducs de Montézuma, c’était toujours un crève-cœur pour lui. Il abhorrait la France, et je crois bien qu’il était contraire à Philippe V et favorable à l’Archiduc au fond de son cœur ; mais toujours est-il qu’il ne parlait jamais que du feu Roi Philippe IV. On nous rapporta qu’il nous trouvait trop prévenans pour lui, et qu’il avait dit un jour, avec un air orgueilleux, que le Roi Don Philippe IV n’ôtait jamais son chapeau que pour le Saint-Sacrement. — Y de muy mala gana, répondit le Cardinal d’Arias, amis des Français et fort homme d’esprit, ce qui veut dire également en espagnol : à contre-cœur et de mauvaise grâce. Il était surtout pour le Marquis et pour moi d’une froideur persistante et d’une sécheresse inexplicable, ce qui n’alla cependans jamais jusqu’à l’incivilité, parce que votre grand-père était là. M. le Comte-Duc a pourtant fini par ouvrir son cœur ulcéré contre nous au Cardinal d’Hénin (l’Archevêque de Malines), et voici le motif de son aversion pour votre grand-père. Étant bien jeune et servant sous les ordres du dernier Maréchal de Créquy, lequel était, comme on sait, infiniment brusque et morose, il avait été lui demander congé pour aller voir son père de Mendoce et sa mère de Montézuma qui venaient de tomber malades en Catalogne, et qui, disait-on, le demandaient à cor et à cri, et notez bien que c’était la veille d’une bataille. Le Maréchal de Créquy lui répondit avec son air sombre et fier : — Allez, Monsieur ; père et mère honoreras, afin de vivre longuement ; ce qui fut répété dans toute l’armée, d’où