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SOUVENIRS

d’Autriche avaient été réunis et dirigés contre l’élection du Cardinal Ottoboni, grand ami des Français. Je ne sais véritablement ce qu’il aurait pu faire de plus et de mieux pour complaire à M. le Régent, que ne fit le Cardinal Michel Conti, qui fut exalté Souverain Pontife à la satisfaction de l’Autriche, en dépit de la France, et qui mourut, dix-neuf mois après, de chagrin, pour avoir eu la faiblesse d’accorder la pourpre romaine à l’Abbé Dubois.

Ne craignez pas que j’abuse de la circonstance où nous nous trouvons pour vous parler des palais et des ruines de Rome. J’aimerais cent fois mieux vous parler des buffles et des pigeons romains ! J’aurais du moins la chance et l’espérance de vous dire certaines choses nouvelles, et je suis tellement excédée du faux savoir, du faux enthousiasme et des répétitions continuelles de nos voyageurs, que j’en ai pris l’Aurore du Guide et l’Aurore du Guerchin dans une égale animadversion ! J’aimerais mieux vous conter une histoire de voleur, mon petit Prince ; et si vous voulez entendre la belle histoire du brigand Marto, dont tout le monde parlait à Rome en 1721, approchez-vous pour écouter votre grand’mère.

Il y avait une fois, dans une ville de la Romagne, appelée Palestrine, un armurier qui s’appelait Domenico Marto. Il se promenait solitairement tous les soirs, après le coucher du soleil, sur la grande place de la cathédrale, avec une épée de longueur et des pistolets à sa ceinture : il était le beau-frère du barrigel, et tous les sbires de la principauté Colonna le saluaient avec un air d’intelligence.