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SOUVENIRS

et lapidaires, les temples et les palais des Rois anglais, leurs tombeaux, l’écu britannique et jusqu’à la monnaie du pays tout est couvert d’insignes, de cris gaulois et de légendes françaises. Les sujets anglais ne peuvent pas même adresser la parole à leur souverain sans lui parler français et sans l’appeler Sir ; ils disent Madam à leur Reine et non pas Milady. Voilà qui me paraît mortifiant pour la jactance anglicane ; mais ce que je trouve admirablement curieux, c’est que le Roi d’Angleterre touche encore les écrouelles en sa qualité de Roi de France ! Je passe condamnation sur son titre de défenseur de la foi. Lilia non laborant neque nent ; les lys ne travaillent ni ne filent et sont plus superbement vêtus que Salomon dans toute sa gloire. MM. les Anglais ont eu beau faire, la pourpre des autres Rois ne saurait égaler l’éclat des lys.

Pour sa part de la succession des Sobieski la Reine Marie-Clémentine avait eu, sans compter de belles terres en Pologne et trois millions d’écus romains, un lit de parade et trois rubis inestimables. Ce lit superbe était un trophée de la bataille de Vienne, et l’étoffe en était provenue de la courtine où l’on abritait l’étendard de Mahomet avec l’alcoran. C’était un brocard de Smyrne à fond d’or avec des versets islamites écrits en turquoises et perles fines. Les cadres de la tenture et de la couche, qui valaient sept cent mille livres tournois, étaient en vermeil admirablement ciselé, sans parler de leurs dessins à l’émail avec des pierres de couleur à profusion comme on en voit dans les contes arabes. Cette riche monture était un présent de la noblesse im-