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SOUVENIRS

Environ trois semaines avant notre arrivée dans l’état de Modène, il s’était trouvé que deux novices du couvent des capucins étaient montés à l’observatoire afin d’y voir le même télescope, et que l’un d’eux s’était mis à diriger l’instrument sur un petit bois de chênes verts au milieu duquel était située, bien loin dans la campagne une autre capucinière où ce novice avait fait ses premières études et pour laquelle il avait toute sorte de prédilection. À peine a-t-il regardé dans la lunette qu’il fait un cri terrible ; ensuite il dit quelques mots à l’oreille de son compagnon qui regarde sans rien dire, et puis les deux jeunes religieux descendent précipitamment, après avoir eu soin de détourner le télescope, en disant à Ferraccino que s’il avait la témérité de regarder ce qu’ils avaient eu le malheur de voir, il se trouverait en péché mortel et cas réservé. Ferraccino n’en tint compte, mais tout ce qu’il aperçut, c’était un grand capucin qui sortait de sous les chênes verts et qui s’acheminait du côté de la Mirandole, en suivant la grande route de la Secchia.

Cependant les deux novices étaient allés faire au Père Gardien de leur communauté la révélation de ce qu’ils avaient vu par le télescope, et voici le Père Gardien qui arrive au Palais Ducal et qui force la consigne, en disant qu’il veut parler à Son Altesse et le plus tôt possible ! On lui répond que S. A. fait la siesta, et voilà ce capucin qui s’arrache la barbe en s’écriant qu’il y va de l’honneur de Saint François ; ce fut le Duc de Modène qui nous raconta tout ceci. — Mais voyez donc ce que peut vouloir