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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

comme si j’avais vu mon pauvre frère sè consumer progressivement et s’éteindre à la suite d’une maladie de langueur. J’en avais porté le grand deuil sans m’en douter, parce que l’époque de sa mort avait concordé avec celle de Madame la Maréchale de Tessé, dont il nous fallut porter le deuil de mère, attendu que son mari était le chef de notre maison. C’est un usage auquel on n’aurait pas manqué dans ce temps-là. Tous les gens de qualité prenaient le deuil de père, à la mort de l’aîné de leur famille dont ils n’étaient quelquefois cousins qu’au vingtième degré. C’était une sorte d’assujettissement qui témoignait noblement de la dignité des races, et c’était une manifestation de coutume salique que les parvenus n’osaient pas singer. Voilà surtout ce qui m’a fait regretter et désapprouver qu’on ne l’observât plus aussi généralement et rigoureusement qu’autrefois. Il est assez connu que ce fut la Duchesse de Berry, fille du Régent, qui fit diminuer de moitié la durée de tous les deuils possibles ; mais je vous puis assurer qu’à l’exception des courtisans du Palais-Royal et des familiers du Luxembourg, où logeait cette indigne princesse, personne ne voulut adopter une innovation qui sembla fort impertinente avant la majorité du Roi ; et encore, il est à remarquer que depuis son insertion dans les Colombats, la noblesse d’Artois, de Bretagne, de Bourgogne, de Languedoc et de Dauphiné, n’a jamais voulu se conformer, à ce programme de la Duchesse de Berry. J’ai, toujours remarqué que c’est dans les pays d’états qu’on tient le plus fortement aux anciennes coutumes ; et vous verrez que c’est dans les mêmes pays