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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

les soulevait sous le dais royal, afin que le Roi, défaillant et presque aveugle déjà, pût leur imposer les mains, « Le Roi te touche, Dieu te guérisse ! » C’est la formule que les deux Évêques répétèrent à chacun de ces petits malheureux qui venaient demander la santé à leur vieux Roi moribond, parce qu’il était l’oint du Seigneur et le fils aîné de l’Église. Le Roi se mourait, mais il n’en était pas moins le successeur de Clovis et le consacré de l’Ampoule de Reims. Il bénit tous ces pauvres enfans, et les toucha sur les joues avec une charité consciencieuse. Il avait demandé à recevoir le Saint Viatique immédiatement avant de procéder à l’attouchement des malades, afin de se trouver plus certainement en état de grâce, avait-il dit. Il ordonna qu’on eût à leur remettre à chacun cinq louis d’or à son effigie, ensuite il s’évanouit de fatigue et resta cinq heures évanoui, tellement qu’on le crut mort, et que Madame de Maintenon quitta le château pour se retirer à Saint-Cyr. Telle est la véritable cause de son premier départ, où le Duc de Saint-Simon n’a voulu voir que de la sécheresse et de la personnalité. Il n’a pas voulu dire un seul mot qui fût relatif à l’attouchement de ces enfans malades, ce qu’il ne pouvait ignorer néanmoins ; mais comme il ne pouvait en parler sans disculper Mme de Maintenon qu’il abhorrait, on voit qu’il usait également de la parole et du silence, en fait de perfidie. Quand on fut rechercher Mme de Maintenon à Saint-Cyr, parce que le Roi n’était pas mort, on l’y trouva dans la chapelle, où elle était entrée de prime-abord, et d’où elle n’était pas encore sortie depuis cinq à six heures. C’est une