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SOUVENIRS

du Duc de la Vallière, et qui fut publié pour la première fois, m’a-t-il dit, dans une édition de Joinville, à Poitiers, par un éditeur, un imprimeur et un libraire calvinistes.

C’est un ministre protestant qui nous a révélé la catastrophe de l’infant Don Carlos, et si vous le croyez aujourd’hui, c’est principalement sur sa garantie. La plupart des auteurs contemporains, et Cabrera par exemple, nous certifient que le Prince des Asturies mourut après une maladie de plusieurs jours, à la suite d’un flux de sang. Mais une scène de meurtre où pouvait figurer un fils de Charles-Quint, Philippe second surtout, le plus inflexible des Rois Catholiques, était un sujet trop fertile en déclamations pour ne pas en profiter, et les écrivains calvinistes ont si bien manœuvré pendant trois cents ans, qu’un fait historique aussi facile à bien éclaircir a fini par être enveloppé dans l’obscurité.

Vous aurez souvent l’occasion de voir cité l’Amiral de Coligny, mon grand-oncle, pour sa loyauté, sa franchise et l’austérité de ses vertus. Les philosophes et les protestans leurs compères n’ont jamais eu l’air de soupçonner qu’il fût un traître, un parjure, un hypocrite ; mais on n’en voit pas moins, dans une lettre qu’il écrivit au Prince d’Orange et qu’on a conservée dans les archives de la Haye, qu’il avait comploté de faire égorger le Roi, la Reine-mère et toute la famille royale, avec le Président Lhuillier, le Maréchal de Tavannes et tout le clergé de l’église de Paris. On doit observer aussi que, par un échange de bons procédés réciproques, les déistes et les encyclopédistes ne veulent jamais convenir