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MARIE-JOSEPH CHÉNIER


1764 — 1811



Après avoir parlé d’André Chénier, on éprouve quelque difficulté à parler de son frère cadet Marie-Joseph. C’est comme si on quittait tout à coup les ombres d’un bois sacré pour recevoir en plein visage la lumière insolente de la place publique. Il y a donc, se dit-on, un personnage théâtral, bruyant, fastueux, oratoire, un clubiste naïf, un tribun gonflé, un charlatan convaincu, un favori des multitudes criardes, qui a porté ce doux nom de Chénier ? On se rappelle alors que des deux frères, le plus ignoré pendant longtemps, ce fut celui dont la gloire durera toujours, et le plus fameux, celui dont le souvenir est aujourd’hui presque effacé. L’auteur de Charles IX, de Henri VIII, de Caïus Gracchus, de Calas, de Fénelon et de Timoléon, ce soi-disant homme de génie qui promettait si généreusement l’immortalité au fier et modeste André, le triomphateur populaire d’autrefois serait à peu près oublié maintenant, s’il n’était protégé par la Muse rayonnante qui inspira la Jeune Tarentine et la Jeune captive.

Je sais bien qu’on a joué Tibère au Théâtre-Français en 1843 ; je me souviens aussi qu’un écrivain estimable, érudit, et quelquefois spirituel, a tenté, dans la Revue des Deux Mondes, avec une singulière passion, de relever le buste de Marie-Joseph à la hauteur de celui d’An*dré : mais quoique je professe une grande estime pour Tibère, quoique les intentions de M. Charles Labitte me semblent excellentes, je ne ’puis me résoudre à considérer Marie-Joseph Chénier comme une des illustrations de la poésie française. A part quelques exceptions que je signalerai dans ses œuvres, tout en lui révèle le rhéteur et le versificateur plutôt que le poète. Le personnage politique lui-même ne me