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BERQUIN


1749 — 1791



Naïf autant qu’on pouvait l’être à ce déclin du xvin e siècle, Berquin se sentit de bonne heure attiré vers la poésie idyllique, telle qu’on la comprenait à l’heure où il se produisit dans les lettres modestement. Pour ces champêtres contemporains de Boufllers et de Chamfort, pour ces poètes bucoliques d’alors, l’Alexandrin Théocrite, avec ses raffinements d’art et ses couleurs fortes, n’était guère qu’un nom qu’on invoquait un peu au hasard, à l’occasion, dans les théories. Souvenir plus familier des études classiques, Virgile revenait davantage ; mais volontiers on le négligeait. Non, ce n’étaient pas ces grands maîtres du genre qui régnaient en ce moment et donnaient le ton ; on ne songeait guère non plus à Segrais qui, lui, s’était beaucoup nourri des chefs-d’œuvre antiques en les interprétant à sa manière, selon le goût de son temps ; quant à la pastorale de l’époque de Cervantes et de Guarini, il en était à peine question ailleurs que dans les préfaces du chevalier de Florian. Qui donc, quel magicien avait tout à coup réveillé l’Euterpe endormie ? Un Suisse, cet honnête imprimeur do Zurich, dont le nom fut longtemps populaire en Europe, Salomon Gessner, dont il est à propos de caractériser ici l’influence particulière et dominante sur les imaginations. Avec lui, l’Euterpe du xviu e siècle, comme une bergère assez peu touchée du ranz de ses montagnes, descendit des glaciers alpestres, sans rappeler le moins du monde leur sauvage grandeur.

A peine parue en France sous le nom d’IIuber, la traduction des poèmes et idylles de Gessner eut un succès qui devint bientôt un engouement. Ce nom obscur d’Huber ne voilait qu’à demi, d’ailleurs, celui d’un collaborateur illustre à de plus graves titres : on savait quo