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BOUFFLERS


1737 — 1815



Depuis que la révolution française a tué d’une chiquenaude le petit Cupidon musqué du xvm e siècle, il est presque impossible de comprendre, déjuger et de peindre un bel esprit de 4760, un galant poëte à la Boufilers. Devant ce chevalier, devant cet abbé, devant ce marquis du Parnasse rococo, je me sens aussi dépaysé qu’aurait pu l’être jadis le mari de madame Roland, ce ministre en frac et en chapeau rond. Que dire de Boufilers ? comment le juger ? Nous ne le connaissons pas, nous ne le voyons pas, même en écarquillant les yeux, ce joli visage et ce bel esprit de pastel ! Il ne nous reste vraiment qu’un moyen de le présenter à un lecteur de notre siècle : effaçons-nous discrètement, laissons-le venir à nous en se dandinant, en jasant, en badinant, en s’évaporant dans l’air rose ; laissons parler de lui ses contemporains, ceux qui durent le gâter à plaisir, et ceux qui fouettèrent du bout des doigts les joues rebondies de l’enfant gâté. Quant à nous, bourgeois et manants, il ne nous est pas plus permis, sans friser l’impertinence, de l’aimer et do l’admirer que de le mépriser ou le blâmer. Saurions-nous jamais distinguer le charme subtil, fugitif, insaisissable, et pourtant si français, de ce qu’on appelait autrefois chez Boufilers le naturel ou le joli ? Nous trouverions grossièrement le vide sous le rien, nous déclarerions peut-être niais ce qui fut tout simplement adorable.

Le filleul du roi Stanislas vint au monde dans cette cour de Lunéville qui ressemble de loin à une île enchantée. Sa très-belle maman, l’amie du roi, ne lui donna, je pense, d’autre leçon que celle-ci : a Aimez, soyez aimable. » Il partit là-dessus pour le séminaire de m. 27