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JACQUES TAHUREAU


1527 — 1555



Il est toute une famille d’esprits et de talents, attrayants d’ordinaire, qui exhalent à la hâte leurs printanières senteurs, comme s’ils pressentaient que ce premier épanouissement est tout ce que leur accorde la destinée. C’est chez les poètes surtout qu’on a lieu de constater ces défaillances subites de la vie ou de la pensée. Les uns ne gagnent rien à vivre longtemps : ils ne mûrissent pas ; et, comme tout à coup taris dans la source même de leur sève, ils se flétrissent et ne grandissent plus. Les autres « plus aimés des dieux, » meurent jeunes, en pleine verdeur : et bien qu’on reconnaisse à certains signes de gracieuse débilité, que le temps ne leur promettait pas les développements robustes, on les accueille, on leur sourit ; on a pour eux des trésors d’indulgence et de tendres regrets ; on ne songe pas à leur demander autre chose que ce qu’on demande à la fleur qui ne doit que fleurir : de la fraîcheur et du parfum.

Dans ce premier essaim des poètes français de la Renaissance, il en est un qui, plus que tout autre, représente bien cette nature de talent que nous venons de caractériser, et qu’on retrouve d’ailleurs, analogue au fond, distincte seulement à la surface, dans chaque littérature, et l’on pourrait dire aussi dans chaque époque. L’œuvre de Jacques Tahureau est tout à fait cette charmante et folle floraison des premiers beaux jours. Elle a toutes les adorables imprévoyances, toutes les séduisantes témérités de la jeunesse. La jeunesse I C’est bien là le mot qui vous revient, c’est bien là, sous toutes les formes, l’image qui vous reste fraîche dans la pensée, quand vous venez de fermer ce livre, où tout est franchement et naïvement jeune, comme la saison littéraire dans laquelle il se produisait, comme la bouche rose qui chantait cette chanson amoureuse !