Page:Crépet - Les Poëtes français, t2, 1861.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
SEIZIÈME SIÈCLE.

FRAGMENT DE L’ÉLÉGIE III

Quand vous lirez, ô Dames lionnoises[1],
Ces miens escrits pleins d’amoureuses noises[2] ;
Quand mes regrets, ennuis, despits et larmes,
M’orrez[3] chanter en pitoyables carmes[4],
Ne veuillez point condamner ma simplesse[5],
Et jeune erreur de ma folle jeunesse,
Si c’est erreur : mais qui, dessous les cieus.
Se peut vanter de n’estre vicieus ?
L’un n’est content de sa sorte de vie,
Et tousjours porte à ses voisins envie ;
L’un, forcenant[6] de voir la paix en terre,
Par tous moyens tasche y mettre la guerre ;
L’autre croyant povreté estre vice,
À autre Dieu qu’Or ne fait sacrifice ;
L’autre sa foy parjure il emploira
À décevoir quelcun qui le croira ;
L’un, en mentant de sa langue lézarde[7]
Mile brocars sur l’un et l’autre darde.
Je ne suis point sous ces planetes nee,
Qui m’ussent pu tant faire infortunée.
Oncques[8] ne fut mon œil marri[9] de voir
Chez mon voisin, mieux que chez moi, pleuvoir.
Oncq ne mis noise ou discord entre amis,
À faire gain jamais ne me soumis ;
Mentir, tromper et abuser autrui,
Tant[10] m’a desplu que mesdire de lui ;
Mais si en moy rien y ha d’imparfait.
Qu’on blasme Amour : c’est lui seul qui l’a fait.
....................

  1. Pour : lyonnaises.
  2. Débats.
  3. M’entendrez.
  4. vers.
  5. Simplicité, dans le sens de facilité à se laisser tromper.
  6. Outré.
  7. De serpent, insinuante.
  8. Jamais.
  9. Attristé.
  10. Pour : autant.