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CHARLEVAL


1612 — 1693



Poëte et amoureux sans verve ni tempérament, Charleval avait en partage la complexion négative du bel esprit. II en eut conscience, et fort soucieux de sa frêle personne, il ne voulut pas d’autre emploi. C’est à ce titre, selon Tallemant, qu’il figurait parmi les amants de madame de Courcelles. « Elle avait Brancas pour brave, Barillon pour payeur ; » Du Boulay était l’amant du cœur, et Charleval le bel esprit. La cour ainsi se trouvait complète. Chez Ninon, Charleval n’avait pas non plus d’autre bagage ; aussi, comme il fallait plus, pour y obtenir droit de séjour durable, Tallemant ne nous le montre-t-il que parmi lea passants de cette maison galante où tant de gens passèrent. Charleval, en un mot, fut le Voisenon de son temps, moins le petit collet, et moins aussi la verve en toutes choses. Voisenon passa toute sa vie à mourir d’un asthme, comme lui-même le disait, et Charleval mit quatre-vingts ans à tâcher de vivre de sa mauvaise santé. Né en 1 61 2, il ne mourut qu’en 1693.

« M. de Charleval, lisons-nous dans les Mélanges de Vigneul Marville *, était d’une si faible complexion, qu’on ne pensait pas qu’il dût vivre : cependant par son bon régime, il a prolongé ses jours jusqu’à quatre-vingts ans, amusant tout doucement l’espérance de ses héritiers, qui regardaient, dès son enfance, sa succession comme une chose toute prête. La nature, qui lui avait donné un corps si délicat, et si bon tout ensemble, lui avait fait l’esprit de même. Il aima toute sa vie les belles-lettres avec tendresse, et les posséda avec jalousie, ne se communiquant pas facilement à tout le monde. Les gens de son temps les plus polis chérissaient sa personne et recherchaient son entretien. »

1 1699, in-B, p. 234.