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ADAM BILLAUT


1600 — 1662



Ce menuisier chantait du matin jusqu’au soir,
C’était merveille de le voir !
Merveille de l’ouïr ! il faisait des passages.
Plus content qu’aucun des sept sages,

Il vivait de son métier, dans sa ville natale, lorsqu’on 1628, à l’àgo d’environ vingt —huit ans (la date de sa naissance est incertiùne ), il se mit à rimer mille joyeusetés. Cela dura dix ans, et ce fut le plus heureux temps de sa vie. II chantait, comme l’oiseau dans les bois, et n’était entendu que de créatures aussi simples que lui. Mais notre homme était marié, et malheureusement sa femme avait un curateur contre lequel il fallut plaider ; pour cela, il dut aller à Paris, et à Paris, au lieu de plaider, le malheureux fit des vers, les adressa à de grands seigneurs. Le voilà applaudi, protégé, conseillé par les doctes. Ce fut sa perte. Il devint célèbre dans le beau monde ; chez les précieuses, à la cour même, on s’entretenait du menuisier de Nevers. Quoi ! l’on avait de l’esprit en province ! Corneille venait d’y faire le Cid, ce qui, après tout, se concevait encore ; Corneille avait étudié, c’était un homme de robe ; mais le moyen d’admettre qu’on pût tracer des vers d’un doigt pousse-rabot et monter au Parnasse d’un pied chausse-sabot ? — car c’est dans ce beau style que l’on commença à parler du menuisier-poëte. — On criait au miracle. Le dieu du jour, Richelieu, pensionna cet homme étrange, que l’on voulut même, en l’affublant de titres, attirer à la cour. Mais notre menuisier répondit prudemment, comme Jean La Fontaine :

Prenez le titre et laissez-moi la rente.

Son bon sens, de ce côté, l’emporta sur tous les conseils : il voulut