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RACAN


1589 — 1670



La mine d’un fermier, les façons d’un gentillâtre balourd, l’entrain d’un bègue qui grasseyait sitôt qu’il ne bégayait plus, tels sont les traits principaux dont Tallemant a marqué dans nos souvenirs la figure originale d’Honorat de Beuil, chevalier et plus tard marquis de Racan. En France où, sur toutes choses, nous n’hésitons guère qu’entre les diverses formes du convenu, il n’y a pour réussir et pour durer que les images héroïques ou les caricatures : il nous faut des demi-dieux ou des magots. Cette fois, la caricature a prévalu, et si d’aventure le nom de Racan se prononce encore, pour le gros du monde il rappelle surtout quelques grotesques anecdotes ; il fait songer par exemple à la mystification que subirent à la fois la très-docte, très-excellente, trèsvieille mademoiselle de Gournay, la fille adoptive de Montaigne, et le chantre des Bergeries, le jour où la bonne demoiselle qui espérait la visite de Racan vit d’heure en heure son logis envahi par trois cavaliers d’allures différentes, chacun s’intitulantmarqui^de Racan, chacun phrasant et périphrasant à ravir, si bien que, malgré les doutes qui lui étaient venus dès la seconde visite, la maîtresse du lieu se laissait docilement surprendre au miracle do cette triade de Racans ; mais quand enfin survint le Racan véritable, gauche, mal en point, et torturant sa langue pour décliner son nom, elle n’y tint plus, elle se répandit on injures, et de ses propres mains poussa dans l’escalier le bouffon grossier qui la voulait jouer… Où vais-je pourtant, et pourquoi reprendre à mon compte les anas du sottisier d’il y a deux siècles ? Ce n’est pas Tallemant qu’il faut interroger sur Racan ; c’est La Fontaine, c’est Despréaux, c’est Malherbe, ou plutôt c’est Racan lui-même.

Les illustres avocats de Racan, et je suis loin de les avoir nommés