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AMADIS JAMIN


1540 — 1585



Un poëte érudit n’était pas chose rare au XVIe siècle. On étudiait alors avec passion, et c’est à peine si nous pouvons croire à quel âge tendre on éveillait ou s’éveillait d’elle-même cette passion. La nourrice à peine congédiée, l’enfant de sage et bonne maison passait aux mains des Muses antiques. Les éloquences grecque et latine, la dernière goutte de lait essuyée à ses lèvres, se chargeaient de lui faire boire dans leurs larges coupes les deux breuvages puissants de l’art et de la raison. Savoir à fond les lettres anciennes était regardé comme la première, la fondamentale condition à remplir, avant de songer à une carrière, quelle qu’elle fût, en dehors du commerce, soit les armes, l’Église, la magistrature ou les charges.

Quand on savait, de ce temps-là, on savait bien. On ne laissait Homère, Virgile, Ovide, Démosthène, Cicéron, Plutarque, qu’après avoir pénétré jusqu’au fond de l’âme ces immortels maîtres du bien penser et du bien dire. Avant d’oser songer seulement à conquérir le titre de poëte, on se rendait apte à toutes les gloires de l’esprit, de la critique et du sain jugement. On attendait longtemps le penchant invincible, tant le laurier poétique paraissait sacré, tant on avait peur de paraître insensé, extravagant, impie, en y aspirant étourdiment. Tout ce qui, depuis, est devenu métier paraissait vraiment alors un art divin.

Non, certes, ils n’étaient pas rares à cette époque les poëtes érudits ; pourtant, s’il faut en croire des documents, hélas ! peu nombreux, celui que nous allons étudier se signala, par son érudition, et, avant d’être un poëte de cour, fut un savant parmi les savants. C’est à Chaource, un bourg du diocèse de Troyes en Champagne, que naquit ce protégé de Ronsard, Amadis Jamin. Pour première faveur du destin il eut de