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LES DAMES DES ROCHES[1]


.... — 1587



Ces deux muses, Madeleine, la mère, et Catherine, sa fille, ne seraient guère célèbres si certaine puce n’avait aidé à leur renommée de beauté et d’esprit, et piqué d’émulation à leur sujet les faiseurs d’éloges et de petits vers galants.

Toutes deux, la mère en la fraîche maturité de ses charmes, la fille en leur fleur à peine épanouie, vivaient modestement à Poitiers, relevant par le culte des Muses et par le renom discret qu’elles y trouvaient le lustre d’une noblesse un peu bourgeoise, lorsqu’en l’année 1579, la froide et triste ville prit tout à coup un air d’animation et de gaieté inaccoutumé. Il n’y avait cependant rien que de solennel et même de sinistre dans ce qui allait s’y passer. Des commissaires nommés par le roi venaient y tenir, sous la présidence d’Achille de Harlay, ces assises d’exception, qu’on appelait les Grands Jours, dont la principale mission était de remettre sous la main de la justice les coupables qui avaient une première fois pu lui échapper, ou qui étaient d’un rang trop élevé pour qu’un tribunal ordinaire pût les atteindre. Les drames à juger étaient la plupart d’une gravité terrible, mais en vertu de la loi si française des contrastes, plus la pièce était sérieuse, plus on voulait que les entr’actes fussent amusants. L’usage était donc pour les magistrats de mener de front, pendant ces Grands Jours, la rigueur et le rire, et, s’ils le pouvaient, d’y faire œuvre d’esprit galant, après y avoir fait acte de sévère justice. C’est sur quoi l’on comptait dans le monde des beaux esprits : « Les grands jours étoient renommés alors pour pro-

  1. Les dates de leur naissance étant inconnues, nous ne pouvons fixer que par approximation le rang dans lequel elles doivent venir d’après l’ordre chronologique. Nous les plaçons dans le voisinage de leurs contemporains les plus proches, tels que Nicolas Rapin, qui les chanta en vers latins. [Note de l’Éditeur.)