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REMY BELLEAU


1528 — 1577



Si Remy Belleau n’est pas la plus grande étoile de cette constellation poétique qu’on a appelée la Pléiade française, il en est sans doute la plus brillante. Il n’a ni l’éclat fulgurant de Jupiter ou de Ronsard, ni la clarté limpide et sereine de Mars ou de Joachim Du Bellay ; mais nul n’a eu, mieux que lui, la lumière vive et scintillante, la flamme prismatique, le lumen coruscum que les belles nuits nous montrent dans Sirius, le diamant du ciel. S’il n’avait fallu qu’un exemple pour montrer quel merveilleux instrument pouvait être dans les mains d’un poëte cette langue française qu’on a, sur la foi du XVIII ème siècle, tant appelée la langue de la prose, à quel brillant, à quel relief elle pouvait atteindre, Belleau aurait suffi. Son œuvre entière est comparable à une forêt délicieuse subitement éclairée par la flamme pénétrante des feux de Bengale, et dont les moindres détails, les plus sombres profondeurs apparaissent magiquement illuminées. Heureusement, ici, point de trahison à craindre. La perfection de l’art égale la perfection de la nature, et il n’est pas de recoin, même le plus écarté, qui redoute le rayon accusateur. Dans cette prodigieuse époque de rénovation poétique, qui eut la noble folie du beau, Belleau nous montre l’art achevé à côté de l’art fougueux, le soin exquis et fin à côté de l’audace, l’in tenui labor, mais relevé par la puissance de l’inspiration et par la grandeur du dessin général. Pour la grâce et le sentiment, on peut le comparer à La Fontaine. C’est un La Fontaine en effet, mais un La Fontaine esclave du rhythme, et qui eût tenu le vers libre pour forfaiture. Lors même qu’il s’attendrit ou qu’il s’abandonne le plus, Belleau veut que sa fantaisie soit arrêtée et incisée avec la précision du plus pur camée. Artiste