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LES SATIRES




La satire pure, dégagée de la fable ou du conte, l’ironie, l’indignation, la médisance qui s’attaquent sans voile, sans déguisement et de front aux vices, aux iniquités, aux travers et aux radicules du temps, ont produit au xiiie siècle des œuvres nombreuses, énergiques et hardies. Deux poètes, l’un moine et l’autre châtelain, méritent d’être cités dans ce genre de la satire proprement dite. Le moine Guyot de Provins et le châtelain Hugues de Berzi ont composé tous deux des Bibles ; on donna ce nom à des ouvrages qui passaient en revue toutes les classes de la société pour les censurer tour à tour. La Bible Guyot se montre surtout sévère pour le clergé séculier et régulier ; elle obtint un grand succès, lorsque Barbazan l’exhuma et la publia pour la première fois vers la fin du xviiie siècle. On y rencontre quelques passages assez véhéments, hotamment celui dirigé contre Rome

Ha ! Rome, Rome,
Encore ociras tu maint home !

Il n’y a là toutefois rien de comparable au sirvente du troubadour Guillaume Figueras. Aujourd’hui que la littérature de cette époque est mieux connue dans son ensemble, on s’aperçoit que l’œuvre de Guyot n’a pas la portée exceptionnelle qu’on lui avait attribuée d’abord. Ce moine grondeur et déclamateur n’est nullement, comme on l’a prétendu, « un homme de génie né trois siècles trop tôt, » et n’offre même qu’une physionomie assez vulgaire parmi ses contemporains.

Hugues de Berzi est un satirique plus grave et plus convaincu ; il écrit sur la fin de ses jours, après avoir beaucoup vu et beaucoup appris, non pour médire de son prochain, mais pour le corriger et