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sant, j’ai éprouvé comme une espèce de pitié ; ne vous rebiffez pas, cette pitié n’a rien de blessant, au contraire. Me suis-je trompée, il m’a semblé que vous avez une souffrance, et que vous auriez eu le désir de me la raconter. Mais votre défiance, votre fierté vous ont retenu de le faire ; avec moi, c’est mal. Vous devez me connaître assez, pour savoir que je ne ris pas toujours, et que je suis votre vieille amie.

» Voyons, que faites-vous à Bruxelles ? Rien. Vous y mourez d’ennui, et ici on vous attend impatiemment. Quel fil vous tient donc, par l’aile attaché, à cette stupide cage belge ? Dites-le-nous simplement. Le petit groupe qui vous regrette tant, ne demanderait pas mieux que d’aider à couper ce fil, si c’est possible. Que faut-il ? Est-ce un poste ? Nous l’aurons. Faut-il vous faire réclamer par la police, ou la force armée ? Encore une fois, revenez-nous, vous nous manquez. Manet, découragé, déchire ses meilleures études ; Bracquemond ne discute plus ; j’éreinte mon piano, espérant que les sons arriveront \ jusqu’à vous et vous attireront. INous faisons de la musique tous les quinze jours, chez moi. Les loups ne sont pas admis. Je suis maîtresse seule, et ma royauté absolue n’a pas de sujets rebelles. Venez, votre absence est la seule ombre de ces petites réunions. Elles ont été organisées au moment où circulait le bruit de votre retour,, nous y avons cru, et nous nous sommes rassemblés, pour vous attendre. De temps en temps nous crions comme les sentinelles dans la nuit : Baudelaire ne —\icnt pas I et il se fait un noir silence. Vous manquez aussi, savez-vous, à votre dévouement pour Wagner..