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» Voici les pièces qui m’ont le plus frappé : le sonnet XVIII : la Beauté ; c’est pour moi une œuvre de la plus haute valeur ; — et puis les pièces suivantes : l’Idéal, la Géante (que je connaissais déjà) la pièce XXV :

Avec ses vêtements ondoyants et nacrés…


» Une charogne ; Le chat (p. 79) ; Le beau Navire ; À une dame créole ; Spleen (p. 140), qui m’anavré, tant c’est juste de couleur ! Ah ! vous comprenez l’embêtement de l’existence, vous ! Vous pouvez vous vanter de cela, sans orgueil. Je m’arrête dans mon énumération, car j’aurais l’air de copier la table de votre volume. Il faut que je vous dise pourtant que je raffole de la pièce LXXV, Tristesse de la lune :

Qui d’une main distraite et légère caresse,
Avant de s’endormir, le contour de ses seins…


et j’admire profondément le Voyage à Cythère, etc., etc.

» Quant aux critiques, je ne vous en fais aucune, parce que je ne suis pas sûr de les penser moi-même dans un quart d’heure. J’ai, en un mot, peur de dire des inepties dont j’aurais un remords immédiat. Quand je vous reverrai cet hiver, à Paris, je vous poserai seulement, sous forme dubitative et modeste, quelques questions.

» En résumé, ce qui me plaît avant tout dans votre livre, c’est que l’art y prédomine. Et puis vous chantez la chair sans l’aimer, d’une façon triste et détachée qui m’est sympathique. Vous êtes résistant comme le marbre et pénétrant comme un brouillard d’Angleterre.