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laiie et moi, sur le trottoir du quai Voltaire. Baudelaire entrait d’heure en heure au journal, et m’en rapportait des bulletins. Premier bulletin : l’article était composé et Thierry avait corrigé l’épreuve. Deuxième : Turgan (1) l’avait vu en seconde épreuve. Une formalité décisive était le visa du ministre d’Etat, qu’on allait demander chaque soir, avant le tirage. À onze heures, nous vîmes Turgan monter en fiacre et s’en aller chez M. Fould, avec les épreuves. Il revint au bout d’une heure, et, bientôt après, nous eûmes la satisfaction d’apprendre que le tirage était commencé. Baudelaire respira, car il lui paraissait impossible que cet article ne fut pas un bâton jeté dans les roues du parquet. L’article parut donc et lit son effet. M. Billaut jeta feu et flammes et il chercha aussitôt un moyen de réparer ce qu’il appelait la bévue du Journal officiel. Il fallait faire attaquer les Fleurs du mal par un autre journal du gouvernement. Malheureusement pour lui, le nombre en était très limité. Au Constitutionnel, Paulin Limayrac, alors chargé du compte rendu des livres, avait fait un article vitupératif ; mais en apprenant les poursuites, il l’avait retiré. Il l’apprit lui-même à Baudelaire, dans un couloir du ministère de l’intérieur, en lui montrant la copie qu’il venait de reprendre. Il n’y avait pas à compter sur le Pays, où Barbey d’Aurevilly, ami de Baudelaire, avait apporté un article favorable qui ne lut pas inséré. C’est alors que parut au Figaro un entrelilet insidieux 011, après un blâme général, étaient citées les pièces qui furent supprimées

(1) Le directeur du Moniteur.