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Etant petite fille, j’ai dîné là souvent, avec la famille Pérignon (i), et c’était un grand plaisir de courir dans le jardin du Luxembourg, quand il n’y avait plus personne, après que la retraite était sonnée. Il a vécu là heureux pendant dix-huit ans (2), dans cette position, marié à une femme intelligente, à sa portée, qui lui avait apporté de la fortune.

» Lorsque les Bourbons sont revenus, ils ont amené avec eux le gaspillage dans toutes les administrations. M. Baudelaire, d’une probité si sévère, si ménager de l’argent de l’Etat, ne voulait pas se prêter aux exigences de toutes les nouvelles créatures dont il était entouré. Tout le personnel avait été renouvelé, lui seul était resté. Chacun tirait à soi : qui voulait être chauffé ; qui voulait être éclairé pour rien. M. de Senneville, lui-même, donnait l’exemple. M. Baudelaire le gênait. Il lui a fait souffler dans l’oreille qu’il n’était pas bien vu, qu’il était soupçonné de regretter l’ancien ordre de choses, et enfin qu’il était bonapartiste, et que ce qu’il aurait de mieux à faire, ce serait de prendre sa retraite qui, certainement, serait belle. Il a cru devoir agir ainsi, et effectivement il a eu une belle retraite.

» Lorsque j’ai connu M. Baudelaire, c’était chez M. Pérignon, mon tuteur, chez qui j’ai été élevée, par sa femme, avec ses filles. Il avait aussi des fils. C’était une famille nombreuse, très riche, une maison prin (1) Nous avons parlé de M. Pérignon, le tuteur de M lle Archimbault Dufays, dans V Etude biographique.

(2) François Baudelaire n’a été chef des bureaux du Sénat que pendant quatorze ans, de 1800 à i8i4.