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patricien et ses ongles roses aussi fins et non moins acérés que ceux d’une infante : il avait ses manies que je savais respecter ; aussi ne desserrai-je point les dents avant qu’il fût redescendu sur terre et qu’il m’eût fait entendre son cri sacramentel :

« Au devoir ! allons, au devoir ! »

Enfin, il ora. La parole prévue fut prononcée et nous nous mîmes à l’œuvre incontinent. Tout beau ! Dès la première ligne, que dis-je, à la première ligne, au premier mot, il fallut en découdre ! Etait-il bien exact, ce mot ? Et rendait-il rigoureusement la nuance voulue ? Attention l Ne pas confondre agréable avec aimable, accort avec charmant, avenant avec gentil, séduisant avec provocant, gracieux avec amène, holà ! ces divers termes ne sont pas synonymes ; ils ont, chacun d’eux, une acception toute particulière ; ils disent plus ou moins dans le même ordre d’idées, et non pas identiquement la même chose ! Il ne faut jamais, au grand jamais, employer l’un pour l’autre. En pratiquant ainsi, l’on en arriverait infailliblement au pur charabia, Les griffonniers politiques, et surtout les tribuns de même nature, ont seuls le droit, enseignait Pierre-Charles, d’employer admonition pour conseil, objurgation pour reproche, époque pour siècle, contemporain pour moderne, etc., etc. Tout est permis aux orateurs profanes ou sacrés qui sont, sinon tous, du moins la plupart, de très piètres virtuoses ; mais nous, ouvriers littéraires, purement littéraires, nous devons être précis, nous devons toujours trouver l’expression absolue, ou bien renoncer à tenir la plume et finir gâcheurs. Et tandis qu’il dissertait à voix haute