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Les acharnés détracteurs demeurent marqués au front de cette amère parole, plus brûlante qu’un fer rouge. Ils ont eu beau faire, ils ont eu beau dire, on rend enfin justice à celui que, si longtemps, ils abreuvèrent de dégoût. Ses œuvres, on les lit I On prône ses vers, on exalte sa prose, et ce n’est pas tout encore, on s’occupe de ce que fut sa personne. « Il était fin causeur, il avait des manies, son àme était indulgente et son cœur loyal ! où vivait-il et comment vivait-il ? » On veut être édifié sur ses moindres gestes et sur toutes ses aptitudes. Il dessinait très correctement, il avait une écriture archaïque fort bizarre, il hantait les musées et les bibliothèques ; bref, il fut un être à part. Et la presse donne le fac-similé de quelques-uns de ses croquis à l’encre de Chine et reproduit ses manuscrits autographes. Il est question de sa chambre à coucher et de son cabinet de travail autant que de sa griffe ; on affirme, en outre, qu’il était toujours vêtu de noir, et l’on parle même de la coupe extraordinaire de ses culottes ; il est enfin devenu grand homme ; on le lient désormais pour tel , et chacun le glorifie à bouche et plume que veux-tu… n’est-il pas mort !

À L’époque déjà reculée où nous nous fréquentions assidûment, il vivait à peu près ignoré de la foule, mais franchement admiré de ses disciples et de ses émules. On aimait les charmes captieux de sa parole et l’on recherchait avec empressement sa société. Toujours très poli, très hautain et très onctueux à la fois, il \ avait en lui du moine, du soldat et du mondain, —, aussi sied-il d’attribuer à ces aspects multiples les portraits si divers qu’on a faits de lui. Pour moi, je le vois