Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des prix en librairie, d’un prix élevé. C’est déjà une garantie importante. Je ne m’adresse donc pas à la foule.


Il y a prescription pour deux des morceaux incriminés : Lesbos et le Reniement de saint Pierre, parus depuis longtemps et non poursuivis [1].

Mais je prétends, au cas même où on me contraindrait de me reconnaître quelques torts, qu’il y a une sorte de prescription générale. Je pourrais faire une bibliothèque de livres modernes non poursuivis, et qui ne respirent pas, comme le mien, l’horreur du mal. Depuis près de trente ans, la littérature est d’une liberté qu’on veut brusquement punir en moi. Est-ce juste ?


Il y a plusieurs morales. Il y a la morale positive et pratique à laquelle tout le monde doit obéir.

Mais il y a la morale des arts. Celle-ci est tout autre, et, depuis le commencement du monde, les arts l’ont bien prouvé.

Il y a aussi plusieurs sortes de libertés. Il y a la liberté pour le génie et il y a une liberté très restreinte pour les polissons.


M. Charles Baudelaire n’aurait-il pas le droit d’arguer des licences permises de Béranger (œuvres com-

  1. Lesbos avait, en effet, paru dans les Poètes de l’amour, anthologie publiée par Julien Lemer (Paris, Garnier, 1850), et le Reniement de saint Pierre dans la Revue de Paris (octobre 1852).