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devinez pourquoi. Je suis très mal vu ici. D’ailleurs, je ne me suis pas gènô pour crier tout haut ce que je pensais. Et puis on sait que je prends des notes partout. »

Le i3 octobre, plaintes nouvelles et très vives :

(( …Figurez-vous, mon cher ce que j’endure. L’hiver est venu brusquement. Ici on ne voit pas le feu, puisque le feu est dans un poule. Je travaille en bâillant, quand je travaille. Jugez ce que j’endure, moi qui trouve le Havre un port noir et américain, moi qui ai commencé à faire connaissance avec l’eau et le ciel, à Bordeaux, à Bourbon, à Maurice, à Calcutta (i). Jugez ce


(i) J’ai dit plus haut qu’il est établi que Baudelaire ne toucha jamais Calcutta au cours de son voyage de 1842, le — seul voyage de quelque importance qu’il ait jamais fait.

Quant au goût qu’il marque dans cette lettre pour l’eau, le ciel, les arbres, etc., c’était un goût nouveau chez lui, car il avait toujours professé l’horreur de la nature. V. plutôt les Souvenirs de Schaunard (G. Charpentier 1887.) « …La campagne m’est odieuse, dit Baudelaire pour expliquer sa hâte à s’enfuir d’Honfleur, surtout par le beau temps. La persistance du soleil m’accable ; je me crois encore dans l’Inde où la continuité monotone de son rayonnement jette dans la torpeur plus de cent millions d’êtres humains… Ah ! parlez-moi des ciels parisiens toujours changeants, qui rient et qui pleurent selon le vent, et sans que jamais leurs alternances de chaleur et d’humidité puissent profiter à de stupides céréales… Je froisserai peut-être vos convictions de paysagiste, mais je vous dirai aussi que l’eau en liberté m’est insupportable ; je la veux prisonnière, au carcan, dans les murs géométriques d’un quai. Ma promenade préférée est la berge du canal de l’Ourcq… quand je me baigne, c’est dans une baignoire ; j’aime mieux une boite à musique qu’un rossignol ; et, pour moi, l’état parfait des fruits d’un jardin ne commence qu’au compotier !… Enfin, l’homme sou