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perspicacité féminine que de supposer que son cher secret n’avait pas été, dès longtemps, pénétré.

Le billet du 18 août 1807, auquel nous avons fait deux emprunts déjà, mandait encore (il s’agissait du procès des Fleurs du mal, et faisant allusion aux récentes poursuites dont Madame Bovary avait été l’objet) : « Flaubert avait pour lui l’Impératrice, il me manque une femme. » Nous ne savons si M me Sabatier tenta ou fit tenter aucune démarche auprès des juges dont Baudelaire lui envoyait les noms. En revanche, il est certain qu’elle lui marqua, presque aussitôt, l’intérêt le plus direct, car la lettre du 3i août nous place en face du fait accompli.

Hélas ! Baudelaire s’était cruellement mépris sur la puissance d’illusion qu’il lui restait en amour ; la réalité d’un joui avait suffi pour anéantir les rêves de cinq années ; à devenir femme pour lui, l’ange avait perdu ses ailes…

Vainement M ,n0 Sabatier tente de s’abuser ellemême par les protestations de la plus ardente passion :

« Aujourd’hui je suis plus calme. L’influence de notre soirée de jeudi se fait mieux sentir. Je peux te dire, sans que tu me taxes d’exagération, que je suis la plus heureuse des femmes, que jamais je n’ai mieux senti que je t’aime, que je ne t’ai jamais vu plus beau, plus adorable, mon divin ami, tout simplement. Tu peux faire la roue, si ceci te flatte, mais ne va pas te regarder ; car, quoi que tu fasses, tu n’arriveras jamais à te donner l’expression que je t’ai vue une seconde. Maintenant, quoi qu’il arrive, je te verrai toujours ainsi, c’est le Charles que j’aime ; tu pourras impunément serrer tes lèvres et rapprocher tes sourcils sans que j’en prenne souci, je fermerai les yeux et je verrai l’autre… » (Réponse à la lettre du 18 août 67).