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» Ordonne la suppression des pièces portant les numéros 20, 3o, 3g, 80, 81 et 87 du recueil ;

» Et condamne les prévenus solidairement aux frais. »

Baudelaire n’a cessé de protester contre cet arrêt (1). Dès le lendemain du procès, songeant à une seconde

(i)«En sortant de cette audience, je demandai à Baudelaire, étourdi de sa condamnation : « Vous vous attendiez à être acquitté ? — Acquitté ! me dit-il, j’attendais qu’on me ferait réparation d’honneur ! » (Asselineau, Vie de Baudelaire.)

Mais ce qui, dans ce procès, irrita le plus fort le poète, ce fut de s’entendre reprocher par le procureur impérial « son réalisme. » Champfleury le lui avait prédit (V. Souvenirs et portraits de jeunesse), et l’on sait, sur ce chapitre des tendances supérieures de l’art, quelles divergences séparaient les deux amis.

Les Concourt enregistrent, eux aussi, dans leur Journal :

« Baudelaire soupe aujourd’hui à côté de nous. Il est sans cravate, le col nu, la tète rasée, en vraie toilette de guillotiné. Au fond, une recherche voulue, de petites mains lavées, écurées, soignées comme des mains de femme. Et avec cela une tête de maniaque, une voix coupante comme une voix d’acier, et une élocution visant à la précision ornée d’un Saint— Just et l’attrapant.

» // se défend obstinément, avec une certaine colère sèche y d’avoir outragé les mœurs dans ses vers. »

Ils constatent d’ailleurs, un peu plus loin (t. III, p. 358) : « Il est vraiment curieux que ce soient les quatre hommes les plus purs de tout métier et de tout industrialisme, les quatre plumes les plus entièrement dévouées à l’art, qui aient été traduits sur les bancs de la police correctionnelle : Baudelaire Flaubert et nous. »

Ajoutons que le ministère public, on peut du moins le présumer, estima l’arrêt bien sévère, car les condamnés fuient dispensés de payer l’amende.