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pour la république, par exemple ? » — Il ne me répondait pas, criait beaucoup et toujours son refrain : « Il faut aller fusiller « le général Aupick ! » Jamais je n’avais été aussi péniblement frappé de ce qui manquait de caractère à cette nature si fine et si originale » (Notes de M. Buisson).

Le lendemain, Baudelaire fondait un journal avec deux de ses amis, Champfleury et M. Toubin, ses collaborateurs au Corsaire.

Le Salut public [1], faute d’argent, n’eut que deux

  1. M. Charles Toubin, — l’auteur du Dictionnaire étymologique de la langue française, dont nous avons déjà cité quelques notes fort curieuses, — a bien voulu nous envoyer quelques renseignements sur l’histoire de ce journal éphémère. Mais d’abord un portrait du Baudelaire, de 1848 : « Il portait à cette époque des cravates de couleur bleue ou rouge, avec un paletot sac, de couleur noire, dans lequel dansait son corps très maigre et très grêle. La tête était forte par rapport au corps, le front large et saillant, l’œil vif et clair, la bouche large et souvent volontairement grimaçante quand il voulait exprimer son horreur du poncif et du convenu. Cette bouche était également sensuelle, bien que Baudelaire ne fût que médiocrement sensuel…
    « La vignette de notre petit journal, qui n’eut que deux numéros, est de Courbet. Nous avions commencé le journal avec cent francs, dont je me trouvais pouvoir disposer. Baudelaire voulut à toute force porter le premier numero à Mgr Affre et il alla, en effet, à l’archevêché, mais, si je me souviens bien, le prélat était absent ce jour-là et il ne put pas le voir. Il alla aussi souvent, dans ce moment-là, chez Raspail, pour lequel il avait une grande estime. Nous faisions nos articles sur des coins de table du Café de la Rotonde, de l’Ecole de Médecine, chacun de son côté, et, en moins d’une heure, le journal