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LA ROUGE.

C’est notre dernière soupe du matin pour les bergers.

LA SINCÈRE.

Oh ! oui ! Après ça, je n’en frai plus qu’ pour mon homme, mais j’ vas lui en tremper un’ solide, ce soir ! j’ veux qu’il ait un bon estomac…

Elles sortent.


Scène III

On voit se soulever le tas de paille jeté dans la cour. NICOT-LA-BRAISE en sort.
NICOT, après s’être assuré du départ des deux femmes, riant.

Eh ben ! c’est gentil les confidences des jeunesses !… Qu’est-ce que j’ai entendu là ? La Sincère a d’la fortune… soixante-dix francs ! Et moi qui vas épouser aujourd’hui la Rouge… qui n’en a que quinze ! J’ m’ disais : quinze francs ! c’est le prix d’un mouton… le commencement d’un troupeau… Mais soixante-dix francs, c’est quatre moutons deux tiers… un troupeau, quoi ! Et il y en a tant qui sont partis de plus bas… A preuve, M. Vautendon, l’éleveur… En voilà un qui s’est élevé !… C’est embêtant d’apprendre ça le jour de la noce, quand on est délicat… Si on n’était pas délicat… Allons ! allons !… il faut faire mes comptes pour le patron… même que je suis en retard… Voyons donc si y aurait pas moyen de moyenner cela… Nous disions quinze et soixante-dix… (Riant.) Eh ! eh ! quéqu’ bonne farce qui brouillerait la Sincère avec L’Menu… La Rouge, on la lâcherait… Oh ! qué belle idée !… Nous allons-t-y (Il se met devant la table et écrit.) Faut avouer qu’ c’est tout d’ même un’ bell’ chos’ que l’éducation… Si j’ savais pas écrire pourtant, j’ pourrais pas faire cette bonne farce-là.. Eh ! eh !… (On entend Jeannet qui chante.) C’te voix… c’est le p’tit Jeannet… le gamin l’ pus futé d’ici… il pourra m’être utile.