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Scène II

L’INTENDANT.
L’INTENDANT, riant.

Ah ! ah ! ah ! Tout va bien et l’on profite de mes leçons depuis que je me suis fait intendant de ce château. Ah ! Myriame ! ah ! Daphné ! que vous voilà loin de l’idylle !… Il faut avouer que, pour un dieu, je me suis mis dans une singulière situation. Il y a deux mille ans, j’eus la faiblesse de céder aux vœux de ces mortels en prolongeant leur existence. Jupin, jaloux de son autorité, me fit comparaître à sa barre, et de cet air que vous lui connaissez : « De quel droit, petit drôle, me dit-il, te permets-tu d’empiéter sur mes prérogatives et de retourner, sans mon aveu, le sablier de Saturne ? » Mais, papa Piter, ayant le droit de donner la vie, je croyais avoir celui de la prolonger !… « Pas de conflit ! à chacun ses attributions ! Tu m’as offensé, et pour te punir, je t’exile sur la terre : tu y resteras avec tes deux protégés jusqu’au jour où, las de leur épreuve, ils en demanderont eux-mêmes la fin. » A ces mots il a fait : (Imitant le tonnerre.) Broum ! broum ! vous savez !… Tout honteux, j’ai dit adieu à maman Vénus, je suis parti tremblant, et me voilà ! mais aujourd’hui j’ai la nostalgie de l’Olympe, et je ferai tant, je bouleverserai si bien le monde de Jupiter, qu’il aimera mieux me rappeler là-haut que me laisser ici-bas ! Je lui ai déjà arrangé un petit siècle Louis XV… je ne vous dis que ça !…

RONDEAU.
–––––Dans ce siècle où règne la manière,
–––––La nature en tout est minaudière ;
–––––Pour la rendre à sa forme première,
–––––––––––O Jupin,
––––––––Tu perdrais ton latin !
–––––––Partout les pauvres humains,
–––––––––––De leurs mains,