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octave crémazie

son voisinage, j’étais descendu à l’hôtel de Normandie, situé sur la rue Saint-Honoré, entre les Tuileries et le Palais-Royal. Au sortir du restaurant, après le déjeuner que nous prenions assez souvent ensemble chez Duval, rue Montesquieu, nous nous rendions à pas lents, soit en bouquinant le long des quais, soit en longeant les boulevards, jusqu’au collège de France, où nous entendions quelques-uns des meilleurs professeurs, tantôt les cours de littérature de M. de Loménie, tantôt les savantes dissertations helléniques de M. Egger, ou bien les leçons de philosophie de M. Frank, ou encore les éblouissantes conférences de M. Arthur Boissier sur Sénèque. Les idées nouvelles que nous rapportions de ces conférences offraient au retour un thème intarissable à nos conversations, que Crémazie variait en me disant quelques-uns des incidents de sa vie d’exil. Qu’avait-il fait depuis qu’il avait dit adieu à son cher Québec ? Où était-il allé ? Comment avait-il vécu ? Je lui faisais raconter tout cela par le menu, et il s’y prêtait avec une grâce parfaite.

De New-York il s’était rendu droit à Paris, où il avait pris un petit logement, dans l’Île, près l’église Notre-Dame. Les secousses par lesquelles il venait de passer arrivant surtout à la suite d’anxiétés toujours comprimées, avaient donné un choc trop violent à sa constitution pour qu’elle pût y résister : il en prit une fièvre cérébrale qui le tint pendant plusieurs semaines entre la vie et la mort. Relégué seul dans une mansarde, d’où il n’apercevait que les toitures et les chemi-