Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

75
octave crémazie

À mon arrivée à Londres, je télégraphiai à Crémazie que, le lendemain, je serais à Paris. J’allai frapper rue Vivienne un peu avant l’heure qu’il m’attendait. Il n’était pas encore entré au logis. Je laissai ma carte à sa porte avec ces mots : « À cinq heures, dans le jardin du Palais-Royal. »

Quelques minutes avant l’heure convenue, j’étais en faction près de la Rotonde, les yeux tournés vers le vomitoire qui ouvre sur la rue Vivienne. Je ne le distinguai pas tout d’abord parmi le groupe de passants qui le précédait : il était dans mes bras avant que j’eusse eu le temps de le reconnaître. Ce n’était plus le Crémazie dont la figure m’était familière à Québec ; vieilli, amaigri, avec un teint de cire, plus chauve que jamais, ne portant plus de lunettes, la barbe toute rasée, hormis la moustache et une impériale : c’était une complète métamorphose. Un rayon de joie inexprimable passait en ce moment comme un éclair sur son visage. Sa tenue était devenue correcte, avec un air de distinction tout à fait inaccoutumé. L’atmosphère des boulevards avait-elle déteint sur ses habitudes ? Sa photographie parisienne que j’ai sous les yeux et qui me rappelle cette première entrevue, n’a rien de commun avec celle qu’a publiée l’Opinion publique, de Montréal.

— Depuis si longtemps que vous m’annoncez votre arrivée, vous voilà donc enfin ! Savez-vous que, depuis dix ans que je suis parti du Canada, je n’ai vu que trois compatriotes : Mgr  Baillargeon lors de son voyage