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dernières lettres.

à son frère joseph.


Bordeaux, 29 novembre 1875.

Bordeaux est une fort belle ville, mais assez ennuyeuse quand on n’y connaît personne. Comme toutes les grandes villes de province, elle a les inconvénients de la capitale sans en avoir les ressources. Je paie ici aussi cher que lorsque j’étais dans la rue de l’Entrepôt et je mange moins bien. De plus, je n’ai pas le café du matin qui, à Paris, était compris dans le prix de la pension. Ici, on ne peut loger que dans les grands hôtels, trop chers pour le commun des mortels comme moi, ou dans les maisons de troisième ordre, comme celle que j’habite, ou dans les petits restaurants du port, où les matelots prennent leur nourriture.

Ce qui manque ici, ce sont les bouillons Duval, où l’on mange bon et à bon marché. Si l’on a faim, on dépense trente-cinq sous ; si l’appétit manque, on peut en être quitte pour vingt sous.

Pour se faire des connaissances, il n’y faut pas songer. Les négociants vivent chez eux ou au cercle, ce que nous appelons chez nous un club. Je ne pourrais, dans ma position, que frayer avec les employés. Mais ces derniers passent presque tout leur temps au café, ce qui n’est nullement dans mes goûts.

La seule chose qui me plaise ici, c’est le port. De mon bureau, je vois le mouvement des steamers et des voiliers, qui est très grand. J’ai sous les yeux des na-