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dernières lettres.

se battre pour leur pays, ils se sont empressés de se mettre à la disposition des Prussiens pour tous les renseignements dont ces derniers pouvaient avoir besoin. Bien souvent, pour une pièce de vingt francs, ces misérables paysans ont instruit l’ennemi de la marche ou de la position de l’armée de la Loire. La bouteille de vin qu’ils vendaient dix sous aux Allemands, ils la faisaient payer 1 fr.50 et 2 francs aux malheureux soldats français épuisés et mourant de soif. Quand une bataille se livrait près des villages, ces misérables fermaient leurs portes afin de ne pas être obligés de recevoir leurs compatriotes blessés.

Comme tous les Parisiens enfermés pendant le siège, j’ai cru au patriotisme de la province, à la levée en masse de la nation. Je me représentais les paysans cachés derrière les haies, faisant la chasse aux Prussiens, comme sous Napoléon Ier les Espagnols la faisaient aux Français. Je croyais à la France chevaleresque de nos pères. Hélas ! quelle était mon erreur ! Au lieu de cette grande nation qui tient une si large place dans les annales de l’histoire, il n’y a plus aujourd’hui qu’une agglomération d’hommes sans principes, sans moeurs, sans foi et sans dignité.

Dans l’Orléanais, il n’y a que les zouaves pontificaux qui se soient battus comme des lions. À la journée du 4 décembre, sur un corps de trois cents défenseurs de Pie IX, deux cent quarante sont tombés dans le faubourg Récamier. Aussi le général von der Thann disait-il que si d’Aurelle de Paladines avait eu cinq