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octave crémazie

auteurs païens ; j’ai toujours été de l’opinion de l’abbé Gaume ; on nous fait ingurgiter beaucoup trop d’auteurs païens quand nous sommes au collège. Pourquoi n’enseigne-t-on que la mythologie grecque ? Les dieux Scandinaves, la redoutable trinité sévienne, sont, il me semble, bien plus poétiques et surtout bien moins immoraux que cet Olympe tout peuplé de bandits et de gourgandines. Dans l’histoire des dieux Scandinaves, on reconnaît les plus nobles instincts de l’humanité divinisés par la reconnaissance d’un peuple, tandis que, sous ce ciel tant vanté de la Grèce, on a élevé beaucoup plus d’autels aux vices qu’aux vertus. Cette mythologie grecque, ces auteurs païens qui déifient souvent des hommes qui méritent tout bonnement la corde, ne peuvent à mon sens inspirer aux élèves que des idées fausses et des curiosités malsaines. Est-ce que les chefs-d’œuvre des Pères de l’Eglise ne peuvent pas partager avec les auteurs païens le temps que l’on consacre à l’étude du grec et du latin, et corriger l’influence pernicieuse que peuvent avoir les écrivains de l’antiquité ? Je sais bien que saint Basile et saint Jean Chrysostôme, que saint Augustin et saint Bernard ne peuvent, sous le rapport littéraire, lutter avec les génies du siècle de Périclès, ni avec ceux du siècle d’Auguste ; mais ne vaudrait-il pas mieux être moins fort en grec et en latin, deux langues qui ne sont en définitive que des objets de luxe pour les quatre cinquièmes des élèves, et recevoir dès l’enfance des idées saines et fortes, en rapport avec l’état social