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journal du siège de paris.

faut à un conquérant pour tresser ce qu’on est convenu d’appeler la couronne du vainqueur.

Mardi, 10 janvier. — Moins froid qu’hier. Engagement sans importance du côté de la Malmaison. Aujourd’hui, les Prussiens ont lancé plus de cinq mille obus sur Paris. Cet ouragan de fer n’a pas produit les résultats que l’ennemi espérait. Une maison a pris feu, mais en moins d’une heure, ce commencement d’incendie a été éteint. Douze personnes ont été tuées. C’est bien triste de voir douze créatures humaines anéanties par ces projectiles de l’enfer, mais, au point de vue général de la défense, c’est absolument insignifiant. Si les Allemands comptent sur le bombardement pour précipiter la chute de Paris, ils se trompent étrangement. La faim seule pourra leur ouvrir les portes de la capitale. Les richards seuls peuvent manger de la viande. Le bœuf d’Australie conservé dans des boîtes de ferblanc, se vend vingt francs la livre. Un chou ordinaire vaut aujourd’hui dix-huit francs.

Mercredi, 11 janvier. — Le froid s’obstine à nous faire geler. Le bombardement de la rive gauche a continué sans interruption pendant toute la journée. Huit personnes ont été tuées, et une vingtaine plus ou moins dangereusement blessées. Nous souffrons beaucoup de la mauvaise nourriture. Le pain, dans la composition duquel il n’entre plus que 20% de blé, est un mélange de riz, de pois, de haricots, de lentilles, avec assaisonnement de paille. Si nous devons être soumis à ce régime pendant encore un ou deux mois, je crois que je