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journal du siège de paris.

blessés. Mais quel vacarme ! La population est toujours tranquille. Nous sommes rationnés à deux onces de cheval par jour. J’ai ma carte de rationnement délivrée par la mairie du dixième arrondissement. C’est un spectacle triste, mais en même temps admirable, de voir avec quelle patience, avec quelle résignation, par ce froid de quinze degrés, les pauvres femmes des faubourgs font queue pendant trois ou quatre heures à la porte des boucheries municipales, les seules ouvertes depuis deux mois, pour obtenir cette maigre portion de trente grammes de cheval. Le chien, le chat et le rat, n’étant ni réquisitionnés ni rationnés, deviennent forcément la nourriture des pauvres diables.

Mardi, 3 janvier. — Froid de loup. Escarmouche sans importance près de Groslay. Le fort de Rosny a été aujourd’hui l’objectif des Prussiens, qui l’ont couvert d’obus. Le bois manque complètement. On commence à couper les arbres des bois de Boulogne et de Vincennes pour les ambulances. On annonce que, dans quelques jours, le gouvernement, en faisant abattre les arbres des promenades publiques, pourra fournir du bois à la population. En attendant, les petites et les moyennes bourses ne peuvent plus se chauffer. Pour les riches, ils achètent au poids de l’or, chez les fabricants de meubles du faubourg Saint-Antoine, les bois de chêne, de buis, d’acajou, etc., employés dans l’ébénisterie. Bien à plaindre sont les familles pauvres qui ont des enfants en bas âge, des malades et des vieil-