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journal du siège de paris.

Lundi, 26 décembre. — Toujours le même froid sibérien. Rien de sérieux comme opérations militaires. Je reste au lit aussi longtemps que possible, attendu qu’il est impossible de se chauffer, quand le bois est à deux sous la livre. Je vais au Collège de France et à la Sorbonne, les jours où il y a des cours. À quel degré d’abrutissement le siège peut réduire un homme ! J’ingurgite des cours de mathématiques, de mécanique et une foule d’autres machines en ique, de sanscrit, de chinois, avec un courage dont je ne me serais jamais cru capable. Que n’écouterait-on pas pour avoir le droit de se chauffer ? Heureusement que l’on n’est pas obligé de comprendre, autrement je serais fort empêché.

Mardi, 27 décembre. — Le froid continue avec la même intensité. Le bombardement, auquel je m’obstinais à ne pas croire, a commencé ce matin. Les forts de l’Est, de Noisy, de Nogent, ont été couverts d’obus. En somme, peu de dommages matériels. Plus de bruit que de besogne. Les batteries du plateau d’Avron ont vigoureusement riposté à l’ennemi. Les Prussiens ont lancé hier plus de cinq mille obus.

Mercredi, 28 décembre. — Le thermomètre ne monte pas. Le bombardement des forts continue, mais avec moins de violence que pendant la journée d’hier. Je suis allé sur le boulevard. Peu de baraques et peu de jouets. On vend des chaussettes, des semelles en feutre et des espèces de bonnets de laine appelés passe-montagne. Si les marchands de bibelots sont peu nombreux, en revanche il y a autant de vendeurs