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journal du siège de paris.

reille température, souffrent horriblement. Beaucoup sont morts de congélation depuis deux jours. On est obligé de faire rentrer les troupes dans Paris, car il est impossible de tenir la campagne par ce froid de quinze degrés. Tout est contre nous. Pendant vingt jours, on avait travaillé à faire les préparatifs d’une grande sortie, et voilà que le général Hiver force l’armée française à chercher dans les murs de la capitale un abri contre les rigueurs d’un froid impitoyable. Du reste, il paraît que les Prussiens, bien que mieux couverts que la garnison de Paris, souffrent aussi et que les morts causées par la congélation sont très nombreuses dans le camp du roi Guillaume.

Dimanche, 25 décembre. — Toujours un froid de loup. Combats d’avant-postes sans importance. Triste jour de Noël. Le ciel est gris, pas le moindre rayon de soleil. La poussière soulevée par le vent du nord vous aveugle. Rien de morne comme ce froid sans neige et sans soleil. Les églises sont pleines aujourd’hui. Autant d’hommes que de femmes, ce qui est rare à Paris. On se familiarise avec la viande de chien. Le pâté fait avec les restes mortels d’un azor quelconque, se vend quatre francs la livre. C’est assez cher, comme vous voyez. Pour moi, je mange du cheval une fois par jour. Il faut avoir des rentes pour se payer deux repas de viande. Le soir, je mange du pain sec avec du thé. Je n’ai pas besoin de vous dire que le beurre, se vendant quatre francs la livre, n’existe pas pour les petites gens comme moi.