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journal du siège de paris.

paraît, on va chez le marchand de vin plus souvent qu’à son tour et l’on rentre chez soi plus ou moins paff. À Créteil, le chef du deux centième bataillon de la garde nationale, qui faisait le service des grand’gardes, était ivre avec la moitié de ses hommes. Un décret de ce matin a dissous ce bataillon trop soiffard. Il fait cher vivre en sybarite par ce temps de misère. Les œufs, 1 fr. 50 pièce. Le fromage, 18 francs la livre. Pour nous, gens de peu, nous mangeons du cheval, encore du cheval et toujours du cheval. Par-ci, par-là, un gigot de matou.

Dimanche soir, 18 décembre. — Très belle journée d’automne. Un monde énorme sur les boulevards. Rien comme opérations militaires. Le Journal officiel de ce matin publie une nouvelle dépêche de Gambetta, en date du 14, apportée par un pigeon. Pendant douze jours l’armée de la Loire a tenu en échec le prince Frédéric-Charles. Bien qu’elle ait été obligée de battre en retraite, c’est un fait de guerre considérable qu’une armée de recrues ait pu résister pendant douze jours aux meilleures troupes de l’Allemagne. Le général Chanzy, qui paraît être, d’après Gambetta, le véritable homme de guerre révélé par les circonstances, a su faire échouer le mouvement tournant du prince Frédéric-Charles. Au moment où il écrivait sa dépêche, Gambetta était à Bourges, travaillant avec Bourbaki à réorganiser les corps d’armée qui se sont repliés devant les troupes prussiennes. Chanzy est en parfaite sécurité dans le Perche, et prêt à reprendre l’offensive aus-