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qui tiennent une plume que de savoir que ce petit peuple grandira et qu’il gardera toujours le nom et la mémoire de ceux qui l’auront aidé à conserver intact le plus précieux de tous les trésors : la langue de ses aïeux ?

« Quand le père de famille, après les fatigues de la journée, raconte à ses nombreux enfants les aventures et les accidents de sa longue vie, pourvu que ceux qui l’entourent s’amusent et s’instruisent en écoutant ses récits, il ne s’inquiète pas si le riche propriétaire du manoir voisin connaîtra ou ne connaîtra pas les douces et naïves histoires qui font le charme de son foyer. Ses enfants sont heureux de l’entendre, c’est tout ce qu’il demande.

« Il en doit être ainsi de l’écrivain canadien. Renonçant sans regret aux beaux rêves d’une gloire retentissante, il doit se regarder comme amplement récompensé de ses travaux s’il peut instruire et charmer ses compatriotes, s’il peut contribuer à la conservation, sur la jeune terre d’Amérique, de la vieille nationalité française.

« Maintenant, parlons un peu de M. Thibault et de sa critique de mes œuvres. Le jeune écrivain a certainement du talent, et je le félicite d’avoir su blâmer franchement ce qui lui a semblé mauvais dans mon petit bagage poétique. Dans une de mes lettres je vous disais que ce qui manquait à notre littérature, c’était une critique sérieuse. Grâce à M. Thibault, qui a su faire autrement et mieux que ses prédécesseurs, la