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octave crémazie

je suis convaincu que le plus tôt on se débarrassera du roman, même religieux, le mieux ce sera pour tout le monde. Mais je m’aperçois que je bavarde et que vous allez me répondre : C’est très joli ce que vous me chantez là, mais pour faire ce choix dans les œuvres contemporaines, il faudrait d’abord les acheter, ensuite il faudrait payer un rédacteur pour cueillir cette moisson ; or vous savez que nous avons à peine de quoi payer l’imprimeur.

— Mettons que je n’aie rien dit et parlons d’autre chose.

« Plus je réfléchis sur les destinées de la littérature canadienne, moins je lui trouve de chances de laisser une trace dans l’histoire. Ce qui manque au Canada, c’est d’avoir une langue à lui. Si nous parlions iroquois ou huron, notre littérature vivrait. Malheureusement nous parlons et écrivons d’une assez piteuse façon, il est vrai, la langue de Bossuet et de Racine. Nous avons beau dire et beau faire, nous ne serons toujours, au point de vue littéraire, qu’une simple colonie ; et quand bien même le Canada deviendrait un pays indépendant et ferait briller son drapeau au soleil des nations, nous n’en demeurerions pas moins de simples colons littéraires. Voyez la Belgique, qui parle la même langue que nous. Est-ce qu’il y a une littérature belge ? Ne pouvant lutter avec la France pour la beauté de la forme, le Canada aurait pu conquérir sa place au milieu des littératures du vieux monde, si parmi ses enfants il s’était trouvé un écrivain capable